Des enseignants sans formation dans les classes à la rentrée 2010

Publié le par fcpe89

 

 

 

Des enseignants sans formation dans les classes à la rentrée 2010 :

des conséquences désastreuses pour les élèves

 

À la rentrée 2010, 10 300 nouveaux enseignants vont être affectés sur des postes à plein temps,

quelques semaines après avoir passé un concours de niveau bac+5 portant essentiellement sur des

connaissances disciplinaires. Dans le meilleur des cas, ils n'auront eu en guise de formation

professionnelle qu'un stage de six semaines en même temps qu'ils préparaient leur concours. Ils

vont prendre en charge des élèves 26 h par semaine dans le primaire, de 4 à 18 classes, sur 2 à 4

niveaux d'enseignement selon les disciplines dans le secondaire, ce qui représente un travail

considérable de préparation et de suivi.

 

On leur demande d'emblée d'assurer le même service, les mêmes tâches que leurs collègues

expérimentés, et tout cela sans avoir appris sérieusement à préparer des séances de cours, des

évaluations, à gérer un groupe d'enfants ou d'adolescents, à réagir face aux problèmes de

concentration, de motivation, aux difficultés scolaires de tant d'élèves, à travailler en équipe avec

leurs collègues dans les établissements et à gérer les relations parfois difficiles avec les familles !

 

Quelques-uns s'en sortiront tant bien que mal, et leurs élèves avec eux ; beaucoup seront

désemparés au bout de quelques semaines devant les réalités de ce métier si éloignées de leur

formation universitaire, débordés par la charge de travail, par les exigences d'un métier très difficile,

et certains découragés par cette entrée dans le métier si mal préparée.

 

Que va-t-on dire aux écoliers, aux collégiens, aux lycéens, à leurs parents ? Un peu de patience, il

apprend le métier « sur le tas » ? L'année prochaine ça ira mieux ?

 

Comment peut-on croire qu'être excellent en géométrie algébrique ou en littérature médiévale, suffit

pour apprendre l'addition et la lecture à des CP, la rédaction à des collégiens, la maitrise des outils

de communication numérique à des lycéens ? Imagine-t-on d'envoyer des chirurgiens dans les blocs

opératoires après deux épreuves écrites d'anatomie, un oral craie à la main sur la manipulation du

scalpel, et trois semaines de stage d'observation ? En leur conseillant simplement d'appeler le

collègue d'à côté en cas de problème ?

 

Jusqu'à cette année, les nouveaux enseignants avaient une année de formation, sur le principe de

l'alternance : ainsi dans le secondaire, entre 6 à 8 heures de cours par semaine, accompagnées par un

enseignant expérimenté, et des temps de formation en IUFM. Tout le monde s'accordait pour

reconnaitre cette entrée dans le métier comme imparfaite, insuffisante, à repenser, à étaler davantage

dans le temps. La voilà supprimée d'un trait de plume.

 

Il n'y a pas beaucoup de certitudes en pédagogie. Mais on peut affirmer sans risque qu'il n'y a pas de

bonne École sans de bons enseignants, et qu'on ne transforme pas un brillant étudiant en bon

professeur par le miracle d'un avis administratif de titularisation, le temps d'un été. Il est vain de

vouloir réformer le Lycée, développer l'accompagnement des élèves, promouvoir l'École

numérique, faire acquérir à tous un « socle commun de connaissances et de compétences » si on ne

se donne pas les moyens de qualifier les enseignants pour ces missions !

 

Depuis des années, divers rapports et recommandations, pourtant demandés par le ministère de

l'Éducation nationale, se prononcent en faveur d'une formation professionnelle plus longue, plus développée,

d'une alternance mieux pensée. Depuis des mois, les organisations professionnelles et les instances des IUFM alertent le gouvernement sur les dangers de ses projets. Aujourd'hui, ce sont les pires choix qui ont été retenus par le ministre, et ce sont les pires modalités qui sont mises en oeuvre par certains recteurs. C'est la pure logique budgétaire qui l'emporte, avec un mépris extraordinaire pour les élèves, leurs enseignants, les familles.

En effet, cette réforme n’atteindra qu’un seul objectif en 2010 : la suppression de 18 000 postes dans l’Éducation nationale !

 

Faire réussir tous les élèves, éduquer de jeunes enfants, les préparer à un monde si complexe, autant

de défis majeurs qu'on ne peut laisser au dévouement, à l'improvisation ou au bricolage. Enseigner

est un métier qui s'apprend ! L'envoi dans les classes de jeunes sortis de l'université sans aucune

formation professionnelle, c'est-à-dire pédagogique, est une décision scandaleuse.  Nous demandons instamment au ministre et aux recteurs de renoncer à de tels projets et de remettre en chantier la question de la formation des enseignants.

 

Philippe Watrelot, CRAP-Cahiers pédagogiques

Jean-Jacques Hazan, FCPE

Antoine Evennou, UNL

 

Paris, le 29 janvier 2010

 

 

Publié dans Lycées

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